Depuis une dizaine d'années, un intérêt accru est accordé au phénomène de la maltraitance. Plusieurs études ont été réalisées afin de développer les connaissances relatives à cette problématique. Toutefois, comme il est possible de le constater dans la documentation existante, le phénomène de la maltraitance a principalement été étudié à partir des perceptions parentales ou de l'interprétation, par les adultes, des comportements des enfants. Rares sont les études à s'être intéressées à la relation inverse, soit les perceptions que se font les enfants de leurs parents (Caufriez & Frydman, 1986; Dubin & Dubin, 1965; Palacio-Quintin,1991). La présente recherche s'intéresse donc à cet aspect de la relation parent-enfant, c'est-à-dire aux perceptions que les enfants ont de l'image paternelle et de l'image maternelle. Nous tentons en particulier de savoir si l'une des deux images parentales est davantage investie par les projections des enfants maltraités et non-maltraités et de préciser les résultats de Palacio-Quintin (1991) qui constate que les enfants maltraités ont une perception plus négative et moins positive des images parentales mais sans faire de distinctions entre elles. Enfin, cette recherche vise à valider les projections des enfants en vérifiant si les perceptions des enfants maltraités sont le reflet des agissements de maltraitance, tel que relevé dans la réalité. Notre échantillon est composé de 44 enfants âgés de 4 à 6 ans. Vingt-deux de ces enfants sont victimes de violence et quelques uns sont en plus négligés. Il s'agit d'enfants dont le signalement a été retenu par le Centre jeunesse de la Mauricie/Bois-Francs (CJ-MBF). Le second groupe, composé de 22 enfants non-maltraités, a été recruté dans les différentes écoles et garderies de la région 04, Mauricie/Bois-Francs. Les variables telles le sexe, l'âge des enfants, la configuration familiale et le revenu ont été contrôlées par l'appariement des sujets de chaque groupe. L'instrument de mesure utilisé en vue de recueillir les perceptions des enfants, est le Test de Dépistage de Violence Parentale (TDVP) (Palacio-Quintin, 1991, soumis). Un questionnaire sociodémographique a aussi été utilisé pour élaborer l'anamnèse familiale afin de vérifier la présence d'une figure paternelle significative et aussi connaître la source de la maltraitance (le père, la mère ou les deux parents). Les résultats de cette recherche démontrent que l'image maternelle est davantage investie par les projections de tous les enfants (maltraités et non-maltraités), c'est-à-dire que les enfants attribuent à l'image maternelle, plus de comportements et d'affects, autant positifs que négatifs. Ces résultats infirment les résultats de Caufriez & Frydman (1986) qui n'ont ressorti aucune différence significative entre l'image paternelle et l'image maternelle, telles que perçues par les enfants. Les résultats démontrent également que les enfants maltraités ont une perception plus négative et moins positive de l'image paternelle que les enfants non-maltraités. Une tendance similaire est aussi observée lorsque l'on compare la perception de l'image maternelle. Ces résultats vont dans le même sens que les études de Caufriez & Frydman (1986) et Palacio-Quintin (1991) qui mentionnent que les images parentales sont perçues plus négativement par les enfants maltraités que par les non-maltraités. Enfin, les résultats indiquent un lien significatif entre les perceptions négatives des enfants maltraités et leur situation familiale réelle, lorsque la violence relève du père.