Les rapports entre les concepts de "réduction" et de "Lebenswelt" dans la phénoménologie de Husserl
Mario Charland
03-2200480

RÉSUMÉ

La phénoménologie de Husserl s'articule, d'une façon générale, entre deux concepts qui furent au fondement de toute son entreprise phénoménologique, à savoir, les concepts de " réduction " et de " monde de la vie " (traduction du terme allemand " Lebenswelt "). Ces deux concepts apparaissent assez tôt dans l'oeuvre de Husserl soit en tant que tels et explicitement soit par l'entremise d'autres concepts qui y référent par leur contenu et de par la forme qu'ils empruntent dans les premières oeuvres du philosophe allemand.

Ces deux concepts sont corrélatifs l'un à l'autre. Autrement dit, ce n'est que par la réduction que le " monde de la vie " apparaît dans toute sa réalité phénoménale au philosophe qui applique cette méthode d'analyse phénoménologique. Et cette réduction s'applique seulement à partir de l'expérience du monde de la vie, c'est-à-dire, à partir de l'expérience " ordinaire " que le philosophe fait de la vie. La réduction consiste à prendre une distance avec les évidences que l'on adopte dans le monde de l'expérience ordinaire mais, en même temps, elle n'est possible que parce que l'on vit dans ces évidences sans se questionner outre mesure sur leur fondement. Bref, il faut d'abord être au prise avec le vécu ordinaire du monde de la vie pour que la réduction ait un sens " philosophique ", pour qu'elle soit applicable concrètement et qu'elle nous révèle cette vérité dernière qu'est notre imbrication foncière dans ce monde de la vie.

Cette dialectique entre réduction et Lebenswelt est aussi à placer dans le contexte du leitmotiv principal de Husserl pour l'ensemble de son oeuvre, à savoir, celui du "retour aux choses-mêmes". Husserl a voulu retourner en deçà des thèses néokantiennes en vigueur au tournant du siècle dernier, thèses qui posaient la stricte distinction entre phénomène et noumène (entre " chose pour-soi " et " chose en-soi ", celle-ci étant inconnaissable). Par ce leitmotiv, Husserl a cherché à court-circuiter ce dualisme entre ce qui est accessible à l'entendement et ce qui ne l'est pas, en faisant du " phénomène " la seule réalité existante pour le philosophe. Les relations entre réduction et monde de la vie s'articulent donc à l'intérieur de cette problématique, c'est-à-dire, à l'intérieur d'un retour au phénomène tel qu'il est donné au sujet percevant. C'est la réduction qui permet ce retour et qui nous donne la possibilité de faire de l'ensemble de la réalité un " pur phénomène ", éliminant, par cela, les " absurdes " choses-en-soi kantiennes.