Effet de la viroïsine sur l'actine : une étude en calorimétrie différentielle à balayage, microscopie électronique et dichroïsme circulaire
Fannie St-Gelais
03-2229030

RÉSUMÉ

L'actine est une protéine très abondante qui joue deux rôles dans la cellule. Elle est impliquée dans la motilité musculaire et non musculaire. C'est aussi un des composants du cytosquelette, c'est-à-dire l'armature rigide qui donne la forme à la cellule et sert de point d'ancrage aux organites. L'actine existe sous deux formes : la forme monomérique, appelée actine G, et la forme polymérisée en longs filaments, appelée actine F. De nombreuses fonctions cellulaires dépendent de la transformation réversible de l'actine G en actine F.

Il existe des substances capables de bloquer l'actine, soit sous forme G, soit sous forme F. Parmi ces substances, on trouve la viroïsine qui est un peptide cyclique extrait du champignon Amanita virosa. Ce peptide a la propriété de maintenir l'actine sous forme polymérisée. La protéine devient alors plus résistante à de nombreux agents chaotropiques. Par contre, aucune action de la viroïsine sur l'actine G n'a été rapportée dans la littérature.

Dans un travail préliminaire, nous avons tout d'abord mis en évidence que la viroïsine se lie aussi à l'actine G. L'objectif de notre travail est de préciser le mécanisme d'action de la viroisine sur l'actine G.

Les résultats suivants ont été obtenus :

- La calorimétrie différentielle à balayage (DSC) a permis de montrer que la viroïsine modifie de façon importante le thermogramme de l'actine G. En absence de viroïsine, le thermogramme de l'actine G se caractérise par une transition de phase unique dont la température de transition (Tm) est de 64ºC et l'enthalpie calorimétrique deltaH = 5600 kJ/mol. En présence de viroïsine, le Tm passe à 78ºC, et le deltaH à 29 100 kJ/mol, ce qui montre que la viroïsine se lie aussi à l'actine G et la rend plus stable à la dénaturation thermique. L'affinité de la viroïsine pour l'actine est forte car l'effet de la viroïsine est détectable pour des rapports molaires actine : viroïsine de 1 pour 0,25. L'action de la viroïsine augmente avec sa concentration, mais ne montre pas de saturation, du moins jusqu'à un rapport molaire de 1 pour 6, qui est le plus grand que nous avons essayé. Ces premiers résultats suggèrent que la viroïsine pourrait induire la polymérisation de l'actine, car le thermogramme de l'actine G en présence de viroïsine a des valeurs de Tm et de deltaH semblables à ceux de l'actine F.

Cependant, la viscosimètrie montre que la viroïsine n'augmente pas la viscosité d'une solution d'actine G. En conséquence, la viroïsine n'induit pas la polymérisation de l'actine en longs filaments.

- Lorsque l'actine G polymérise en actine F, il se produit un changement de conformation du monomère qui entraîne une modification de l'environnement de la Cys374. Cette modification peut être mise en évidence en fixant à la Cys374 une sonde fluorescente le N-pyrenyl-iodoacétamide. Lors de la polymérisation de l'actine, la fluorescence de cette sonde est alors augmentée de 10 fois. La viroïsine, ajoutée à de l'actine G ne change pas la fluorescence de la sonde liée à la Cys374. Nous pouvons donc en conclure que la viroïsine n'induit pas la polymérisation de l'actine en actine F.

- L'étude, par dichroïsme circulaire, de l'effet de la température sur les structures secondaires de l'actine G, confirme que l'actine G est plus stable à la chaleur en présence de viroisine. Par contre, la viroisine ne change pas la composition en structures secondaires de l'actine G, et par conséquent, n'induit pas la formation d'actine F.

- La microscopie électronique montre que, en présence de viroïsine, les préparations contiennent plusieurs agrégats peu structurés ainsi que quelques rares filaments qui ressemblent à de l'actine F.

De ces résultats, nous pouvons conclure que la viroïsine se lie à l'actine G et rend cette protéine plus stable à la chaleur, sans induire la formation d'actine F.

13 novembre 2001