Lecteur
et Intertexte dans l'Antiphonaire de Hubert Aquin
L'oeuvre romanesque de Hubert Aquin recèle de savants propos consacrés à la littérature, l'histoire, la philosophie, la science, la culture en général. Nul doute qu'au cours de sa lecture, le texte aquinien suppose un travail actif. Dans la présente étude, nous tentons de cerner le système de relations établies entre le lecteur de L'Antiphonaire de Hubert Aquin et le travail de l'intertexte romanesque.
Cette démarche analytique prend en compte le discours critique des années subséquentes à la parution de ce roman en 1969. À partir de la réception de l'oeuvre et des problématiques qu'on y soulève, il s'agit d'identifier les éléments qui participent d'une poétique de l'emprunt dans L'Antiphonaire. Pensons aux citations, aux fragments, aux collages et aux allusions qui rendent compte d'emblée d'un processus intertextuel.
À la lumière de ce type d'infiltrations textuelles, nous nous proposons de débusquer la signification des manifestations intertextuelles relevées par la critique suivant la figure du lecteur esquissée par l'oeuvre elle-même. Ce sont donc les stratégies énonciatives de l'intertexte, mises en rapport avec un énonciataire et les savoirs dont il dispose, qui constituent ici le coeur de notre réflexion.
Notre
hypothèse est la suivante : le travail de l'intertexte romanesque
produit une fragmentation dans le récit. Or, pareil morcellement ne
se réduit point à un effet esthétique. Plusieurs intrusions
communiquent un/des message(s) au lecteur. À la lumière de
ces observations, nous démontrons que la fragmentation rend compte
d'un échange particulier créé par l'expérience
de la lecture elle-même : isolement, détachement, inachèvement,
autodestruction, autant d'états suggérés par les liens
qui peuvent s'établir entre le lecteur et les marques intertextuelles.
Autrement dit, le texte lu actualise un lecteur/énonciataire dont
les traits ne peuvent être reconstitués qu'en vertu des renvois
à d'autres discours, ceux qui ne se présentent pas bien sûr
comme la structure narrative première. En ce sens, le lecteur parvient
à s'autoreprésenter.